samedi 27 juin 2020

"Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi." (Matthieu 10,37)


(2e Rois 4,8-11.14-16a)
(Matthieu 10,37-42)
La demande de Jésus dans l’évangile nous laisse perplexe : comment est-ce possible de penser que nous mettre à la suite de Jésus pourrait impliquer que nous ayons à nous éloigner de nos familles?  N’est-ce pas un peu exagéré?
Vous savez que ce n’est pas la première fois que Jésus demande des choses qui apparaissent difficiles à accepter et qui peuvent même nous choquer, comme par exemple : « Si ton œil droit entraine ta chute, arrache-le.  Et si ta main droite entraine ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi.  Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. »  Et même : « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Alors, est-ce que Jésus pense vraiment ce qu’il dit?  Est-il sérieux?  En ceci comme en beaucoup de choses, lorsqu’on parle de la Bible, il faut faire attention de tout prendre au pied de la lettre.  Le contexte est aussi important que ce qui est dit.  Et comment donc?  Permettez-moi de prendre un exemple. 
On sait comment les sacrements sont importants dans la vie de l’Église.  Tellement  important que la loi officielle de l’Église est que rien, absolument rien, ne devrait empêcher les fidèles de recevoir la communion.  C’est écrit noir sur blanc.  Et pourtant, nous avons constaté durant la pandémie que nos évêques ont été les premiers à nous demander de fermer nos églises.  Ils nous ont aussi encouragés à faire ce qu’on appelle ‘des communions spirituelles’ à défaut de ne pouvoir participer à l’Eucharistie.  Est-ce que ça voulait dire que la messe n’était plus importante?  Sûrement pas.  Est-ce que ça voulait dire que l’Église se mettait à genoux devant le pouvoir civil qui pouvait lui demander n’importe quoi et que dorénavant l’État devenait maître de la vie spirituelle des gens?  Certains l’ont affirmé mais je ne crois que ce soit le cas.  Est-ce que ça voulait dire que la communion spirituelle était aussi bonne que la communion sacramentelle?  On a jamais dit ça non plus.  Et alors?  Et alors, l’Église a répondu de la manière qu’elle croyait juste à une situation exceptionnelle qui demandait des prises de position exceptionnelles.
Ainsi donc, quand Jésus demande de s’éloigner de nos familles, il faisait certainement allusion à ce qui allait se passer quelques années après sa mort et à sa résurrection, à savoir que la Foi des gens à sa mission allait diviser les familles et que si cela devait arriver, et bien, il fallait qu’il en soit ainsi.  Et l’histoire l’a confirmé : non seulement en Palestine, mais dans tout l’Empire Romain.  Il fallait donc que les premiers chrétiens soient courageux et qu’ils acceptent l’impensable.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société un peu plus tolérante que celle de l’Antiquité.  La nécessité de s’éloigner de nos familles pour l’amour de Jésus ne risque pas d’avoir à se répéter mais si ça devait être nécessaire, alors il ne faut pas hésiter à le faire.

En fin de compte, ce qu’on apprend ici c’est que la charité est la loi suprême de l’Église.  La charité qui vient de Dieu nous oblige à nous éloigner de tout ce qui pourrait nous empêcher de l’exercer, même nos propres familles.  La charité nous engage à l’exercer envers nos frères et sœurs comme la femme de Sunam qui n’a pas hésité à ouvrir sa demeure pour le prophète Élisée comme nous l’avons entendu dans la première lecture.  La charité nous engage à faire comme Jésus nous enseigne dans l’évangile : l’accueillir lui, chez nous, de même que ses messagers; donner à boire, accueillir et servir, au nom de Jésus.  Tout cela ne restera pas sans récompense.
Cette attitude pourra ensuite justifier la demande des évêques de fermer nos églises alors qu’eux-mêmes affirmaient que c’était dans un esprit de charité et par souci de nos frères et sœurs que nous devions prendre cette mesure extraordinaire.
Rendons grâce à Dieu que l’Évangile de Jésus Christ soit une parole vivante qui répond à différents défis, à différentes époques avec toujours autant de cohérence.  Puissions-nous en avoir autant!

samedi 20 juin 2020

« Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. »




(Jérémie 20,10-13)
(Matthieu 10,26-33)
J’ai vécu une de mes plus belles journées de ma vie cette semaine : je me suis fait couper les cheveux.  Ça fait vraiment du bien.  J’ai découvert durant la pandémie à ma plus grande surprise que mes cheveux frisent en arrière de la tête : pas au point du jeune garçon dans le défilé de la St-Jean-Baptiste mais des cheveux ondulés tout de même.
On est tous très fier de notre chevelure, n’est-ce pas?  Même les dames.  Surtout les dames, je crois.  Vous avez eu à vivre un véritable calvaire depuis le début de la pandémie.  Comment survivre au fait qu’on nous refuse une belle coiffure pendant des semaines?  Évidemment, les plus vertueux d’entre nous nous pourrions leur faire la leçon en disant qu’il y a des choses bien plus importantes dans la vie que notre chevelure, ce à quoi ces personnes pourraient très bien répondre ce que Jésus dit dans l’évangile : « Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. »  Quand on est rendu à ce stade-là, ça devient assez sérieux…
On fait bien des blagues ici mais n’en demeure pas moins que Jésus veut faire passer son message et il utilise des images fortes pour être sûr qu’on comprend tout de suite la première fois et qu’il n’aura pas besoin de répéter.  Et que veux-t-il dire au juste?
Vous aurez remarqué que le mot ‘craindre’  revient quatre fois dans l’évangile.  On utilise pas souvent ce verbe.  On lui préfère l’expression ‘avoir peur’.  Vous pourriez essayer de changer le mot ‘craindre’ par le mot ‘avoir peur’ dans l’évangile et ça marcherait dans tous les cas sauf qu’on manquerait la nuance qu’apporte le verbe ‘craindre’ à son cousin ‘avoir peur’.  Il s’agit d’un des sept dons de l’Esprit Saint qu’on désigne comme ‘la crainte de Dieu’.  Or, ce don de l’Esprit-Saint on ne l’appelle pas ‘la peur de Dieu’.  La peur et la crainte ne sont pas la même chose.
Le philosophe français Denis Diderot l’exprimait ainsi : « Il y a des gens dont il ne faut pas dire qu'ils craignent Dieu mais bien qu'ils en ont peur. »  Et la crainte de Dieu, ce n’est certainement pas ça.  On lit plutôt dans le livre des Proverbes : « Le savoir commence avec la crainte du Seigneur ».  Or, quand on ‘sait’ quelque chose ou bien qu’on l’a appris comme quand on va à l’école, on ne peut prétendre ne pas savoir.  Vous connaissez probablement des gens qui réagissent exactement comme ça.  Quand ils veulent se démobiliser d’une situation parce qu’ils ne veulent pas se compromettre, ils disent : « Je ne sais rien.  J’y comprends rien. »  C’est pas très courageux…
Jésus est train de dire : ne jouez pas ce petit jeu avec le Seigneur.  Il faut avoir le courage de nos convictions.  Il faut être prêt à les défendre.  Il faut aussi les connaitre et une fois qu’on les connait, on peut s’en aller en s’excusant : « C’est pas pour moi. »  Voilà pourquoi le mot ‘craindre’ est si important dans l’évangile d’aujourd’hui parce que Jésus nous dit: « Devenir mon disciple, c’est sérieux ».
Si vous avez un peu peur du ton de cette lecture, n’ayez pas peur : moi aussi.  En tout cas, je me console en me disant que la tonne de chevelure que j’ai laissée chez le barbier vendredi n’est pas tombée pour rien.  Et ça, ça me fait vraiment du bien!

samedi 13 juin 2020

La Fête-Dieu - les bienfaits du jeûne

Le jeûne de nourriture est pas très populaire de nos jours, n’est-ce pas?  Même Angèle Arsenault le chantait dans une chanson célèbre des années 70: « Je suis ben partout quand je mange; Quand je m'ennuie moi je mange; Même dans mon lit moi je mange ».  On mange même quand on a pas vraiment faim et aussitôt qu’un petit sentiment de faim ou un mal de tête apparaît on se dit : « Il faut que je mange. Ça va passer. »
La docteure Françoise Wilhelmi de Toledo, médecin et directrice de cliniques médicales en Allemagne et en Espagne se spécialise dans la supervision de cures de jeûne depuis 35 ans. Elle est l’auteure d’un livre intitulé : L’art de jeûner.  Dans ce livre, elle explique que le jeûne de nourriture apporte de nombreux bienfaits au corps humain.  Il permettrait entre autre de régulariser la tension artérielle, le diabète et les maladies cardiovasculaires.  Il réduirait la fatigue, les maux de tête et les problèmes d’obésité.  Il aurait même un effet positif sur les maladies inflammatoires comme l’arthrite, l’asthme et les maladies digestives.  Enfin, le jeûne aurait un impact positif sur notre santé mentale.  Bref, il n’y a aucune raison pour laquelle il faudrait nous priver de jeûner.
Autrefois dans l’Église, le jeûne était omniprésent.  Vous rappelez-vous quand on vous demandait de jeûner pendant toute une nuit avant de faire la communion du lendemain?  Vous rappelez-vous les jeûnes du Carême ou les 40 heures de prière, d’adoration et de jeûne?  On ne parle plus beaucoup de cela aujourd'hui.  On dirait qu’il ne faut plus jeûner.

En tout cas, on vous a demandé de jeûner de la communion pendant longtemps, n’est-ce pas?  La dernière fois que nous nous sommes rassemblés ici pour la messe dominicale, c’était le 8 mars dernier, c’est-à-dire il y a exactement 99 jours de cela.  Un long jeûne, n’est-ce pas?  Le problème avec le jeûne, c’est justement qu’il doit durer qu’un temps.  On ne peut pas jeûner tout le temps, à l’année longue.  À un moment donné, il faudra manger, sans tomber dans la gourmandise, évidemment.
Pas de danger de tomber dans la gourmandise de la communion, mais vous et moi on est heureux (ce matin) de pouvoir enfin recevoir la communion, notre nourriture spirituelle dont notre âme a besoin.  On en a rêvé pendant 99 jours.  Le jeûne est terminé.  C’est le temps de fêter!
Bonne fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ!

samedi 6 juin 2020

La Sainte Trinité - un exemple pour la conduite de nos familles et nos communautés



Nous célébrons aujourd’hui la solennité de la Sainte Trinité.  Nous en trouvons l’expression la plus simple et la plus familière dans un geste qui fait partie de notre vie quotidienne de croyants et de croyantes : il s’agit du signe de la croix.  Nous faisons très souvent le signe de la croix au cours de la journée : avant et après une prière, en passant devant une église, un cimetière ou une croix de chemin.  Mais bien que nous faisons le signe de la croix très souvent, il arrive un peu moins souvent qu’on l’accompagne de ces mots : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »  Ce sont là les mots qui accompagnent le signe de la croix et nous avons ici une allusion directe au mystère de la Sainte Trinité dont nous célébrons la solennité en ce jour.
C’est donc dire que la Trinité nous est beaucoup plus familière qu’on le pensait.  Elle est intimement liée à notre éducation religieuse et à l’expression la plus fondamentale de notre foi.  Ainsi donc, bien loin de voir la Trinité comme un mystère inaccessible et incompréhensible, il vaudrait beaucoup mieux partir du signe de la croix et de nous dire qu’au fond, la Trinité est quelque chose de familier.  Et j’aime ça utiliser ce mot-ci (familier) car il fait référence à un concept, une idée, qui est intimement lié à celle de la Trinité : à savoir la familiarité des personnes divines qui sont en relation l’une avec l’autre.
Nos familles sont faites de relations aussi : relation de confiance, relation de proximité, relation d’échange, relation de complémentarité.  Une famille où les membres de la famille ne se font pas confiance mutuellement; une famille où les membres de la famille passent jamais du temps ensemble; une famille où il y a aucun échange, que ce soit un échange d’idée, échange de ressource, échange de talent, échange de contribution; ou même enfin une famille où les membres sont en compétition les uns avec les autres sans recherche du bien commun de la famille, c’est une famille dysfonctionnelle.

Voilà donc un bon point de départ pour parler de la Trinité, car la Trinité des personnes divines (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) c’est précisément cela : une relation de confiance, de proximité, d’échange et de complémentarité.  La très Sainte Trinité est un exemple pour la santé de nos familles.  On peut s’inspirer de l’unité qui les tient ensemble pour affermir l’unité dans nos propres familles.
Je dirais même que la Trinité peut nous inspirer dans la vie de nos collectivités! Est-ce qu’on ne construit pas nos communautés par la recherche d’une relation de confiance, de proximité, d’échange et de complémentarité entre tous les membres?  N’est-ce pas en faisant ainsi qu’on peut dire que nos communautés sont en santé?  Qu’est-ce qu’on dirait d’une communauté qui rejetterait un groupe ou un individu à cause de ses valeurs, ses croyances, sa religion, sa culture ou la couleur de sa peau?
Cers jours-ci, on voit ce qui se passe chez nos voisins Américains et on aime ça dire qu’heureusement, nous on n’est pas comme eux.  Il ne faudrait pas juger trop vite nos voisins.  Il vaudrait peut-être mieux regarder la poutre dans notre œil avant de regarder la paille dans l’œil du voisin.  Est-ce que nos communautés sont vraiment des lieux où tout le monde se sent accueilli, accepté et sait qu’il peut contribuer à la vie de la collectivité, ou bien ont-ils peur et vont se cacher pour se protéger?

Quand on fait le signe de la croix et qu’on nomme les trois personnes de la Sainte Trinité, nous faisons par ce geste une allusion directe à Jésus qui est mort sur la croix pour nous.  Jésus a payé très cher son désir de vivre sa vie à la recherche de relations de confiance, de proximité, d’échange et de complémentarité.  On l’a tué pour ça.  Ce serait dommage que l’histoire se répète.  Se répète-t-elle peut-être?  Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.  Amen.