dimanche 26 avril 2020

Reconnaître Jésus là où il est (Luc 24,13-35)


Il y a plusieurs manières de saluer et d’engager la conversation avec les autres.  J’ai appris cette semaine qu’au Tibet, tirer la langue était une manière acceptable de saluer les gens.  En Malaysie, on va vous saluer en vous demandant "Où vas-tu? ». Ce n’est pas vraiment une question mais la réponse polie à donner est simplement : « Je prends juste une marche » ou bien « je ne vais nulle part en particulier. »  Mais chez les anglophones, il y a une manière de saluer avec laquelle j’ai moi-même beaucoup de difficulté, c’est quand on vous demande : « How are you doing? »  Je ne sais jamais quoi répondre…  Est-ce qu’il faut que je raconte ma vie?

          C’est dans cette dernière manière de saluer que je vois se déployer le récit de la rencontre des disciples d’Emmaüs avec cet étranger.  J’ai beaucoup d’admiration pour Jésus pour la manière avec laquelle il engage la conversation.  Remarquez comment il s’intéresse avec leur vie et les événements qui les préoccupent…  Ça aurait été beaucoup plus facile pour lui de passer directement au commentaire : « Comme vos cœurs sont lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ».  Et il aurait pu avoir commencé à leur faire la leçon tout de suite.  Mais non, Jésus prend son temps.  La moitié du récit porte sur des choses que vous et moi on n’avait même pas besoin d’entendre.  On sait toute l’histoire depuis le début.  Mais c’était important pour Cléophas et son ami de pouvoir parlé.  C’était important pour Jésus de prendre le temps de les écouter.  Je dirais même que c’est parce que Jésus a pris le temps d’écouter Cléophas et son ami qu’ils ont ensuite pu ouvrir leur cœur spontanément à cet étranger qui parle si bien au point de le reconnaitre enfin…
          Alors, la prochaine fois que nous aurons l’impression que les choses ne vont pas assez vite avec Jésus et qu’il n’exauce pas nos prières, ce serait peut-être une bonne idée de penser que Jésus désire simplement qu’on lui raconte nos problèmes avant d’exaucer nos prières.  Au lieu de voir Jésus comme un magicien qui descend du ciel pour mettre les choses à leur place quand on lui demande, on pourrait bien discerner dans notre conversation avec lui la solution à nos problèmes qui se révélera tout doucement dans notre cœur.

Je crois que c’était là précisément le parcours de Cléophas et son ami.  Ils ont parlé.  Jésus a écouté; pour qu’ensuite ils écoutent pendant que Jésus parlait.  Et tout a pris son sens au moment même où Jésus a rompu le pain et l’a partagé avec eux.  Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent enfin mais il disparut à leurs regards.
Quand on reconnait Jésus présent près de nous et en nous, que ce soit sacramentellement ou spirituellement, il disparait à nos yeux, non pas parce qu’il devient absent mais bien parce qu’il ne peut se rendre présent que dans la mesure où on prend le temps de lui parler pendant qu’il nous écoute; qu’on écoute ensuite, pendant qu’il parle, et qu’enfin on le reconnaisse!  
Alors, faisons un autre bout de chemin avec Jésus cette semaine et apprenons à le reconnaitre là où il est.

dimanche 19 avril 2020

Aimer jusqu'à pardonner (Jean 20,19-31)



Si je vous demande de me dire comment vous savez si quelqu’un vous aime vraiment, ce serait intéressant d’entendre vos réponses.  On pourrait dire qu’aimer quelqu’un c’est connaître ses préférences au point de savoir comment lui faire plaisir ou comment lui tomber sur les nerfs…  Aimer quelqu’un, ça peut vouloir dire être prêt à faire passer les goûts ou les besoins de l’autre avant les nôtres…  Aimer, ça peut vouloir dire être capable de préparer un petit déjeuner au lit une fois de temps en temps…  Aimer, c’est savoir écouter aussi.  Mais surtout, je pense qu’aimer c’est d’être capable de pardonner.  Je crois qu’on a pas vraiment aimer quand on a pas appris à pardonner.
Je vous dis ceci ce matin car nous célébrons aujourd’hui le deuxième dimanche de Pâques qu’on désigne aussi comment étant le dimanche de la Miséricorde Divine.  Il s’agit d’une dévotion d’origine polonaise qui était très chère au Saint Pape Jean-Paul II, lui-même polonais.  Il l’a étendu à toute l’Église universelle. Ce que cette fête nous propose comme message c’est que Dieu a tellement aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique qui est mort et ressuscité par amour pour nous.  Or, parler d’amour ça veut précisément dire parler de miséricorde et de pardon.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le texte de l’évangile de ce dimanche.  Jésus apparait à ses disciples et fait descendre sur eux l’Esprit-Saint.  Et Jésus ajoute tout de suite comme pour dire à quoi ça sert l’Esprit-Saint : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis. »  Dans mon livre à moi, c’est du pardon dont on parle ici, tout particulièrement sous la forme du sacrement du Pardon.
Évidemment, parler de pardon ça implique de parler d’une autre idée qui est aussi importante: le regret, la conversion.  Je peux bien demander pardon, mais si je ne le regrette pas ou que rien ne change, ça devient fatiguant à la longue...  C’est vrai que Jésus a dit qu’il faut pardonner 70 fois 7 fois mais c’est aussi vrai qu’il a invité les gens à qui il pardonnait leurs péchés de ne plus pécher dans l’avenir.

D’ailleurs, c’est un peu ce qui arrive à Thomas dans l’Évangile.  Thomas l’incrédule nous ressemble tellement!  On veut toujours avoir des preuves pour tout et pour rien!  On veut des signes pour tout.  On veut des explications pour tout; comme Thomas.  Mais Jésus ne fait pas de reproche, il dit simplement à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu crois.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »  Ayoye!  Bonne leçon d’humilité… 
Et pourtant, j’ai envie, moi, de remercier l’apôtre à genoux pour son doute car comme l’a si bien dit le saint pape Grégoire le Grand dans un sermon portant sur cet évangile : « l’incrédulité de Thomas a été plus avantageuse pour notre foi que la foi des disciples qui ont cru. »  Pourquoi?  Parce que son doute confirme notre foi.  Si ce n’avait été de lui, nous aurions eu aucun récit des apparitions du ressuscité dans lequel un disciple touche et met le doigt dans la plaie de Jésus.  C’est un témoignage exceptionnel.
Et une fois que Thomas a mis son doigt dans le côté de Jésus, il fait l’expérience d’un grand revirement dans son corps et son âme.  Plus rien ne sera jamais pareil.  Il confesse : « Mon Seigneur et mon Dieu! »

Le tableau que vous voyez ici à mes côtés est une reproduction de l’icône de Jésus miséricordieux. Vous voyez que deux rayons sortent du côté de Jésus, d’après la vision qu’en a eu la voyante Sr. Marie-Faustine.  Le rayon plus pâle représente l’eau qui justifie les âmes et le rayon rouge représente le sang qui est la vie des âmes.
Ce matin, accueillons le don de l’Esprit Saint afin d’obtenir le pardon des péchés et l’affermissement de notre foi pour le plus grand bien de nos âmes.  Amen.

samedi 11 avril 2020

message de votre curé, P. Éric, pour Pâques 2020

Sur la suggestion du séminariste Francis, j’ai pensé que ce serait une bonne idée de vous adresser un message spécial à l’occasion de Pâques cette année.
Les événements des dernières semaines ont complètement bouleversés notre vie quotidienne.  Plus rien n’est pareil comme avant, et maintenant on nous parle « d’une nouvelle normalité ».  Ça fait seulement deux mois que ce virus a un nom.  Au début de la pandémie, les informations que vous receviez alors que vous étiez au travail changeaient de jour en jour, parfois d’heure en heure et même de manière contradictoire.  Peut-être avez-vous déjà perdu votre emploi...  On a aussi interrompu les classes pour les élèves.  La conclusion de l’année scolaire demeure incertaine.  Allez faire l’épicerie, ou se rendre à la pharmacie est devenu compliqué. Le nouveau vocabulaire sur toutes les lèvres c’est : « distanciation sociale et confinement. »  Plus de coiffeuse, de barbier, de soirées au restaurant, de parties de carte, plus de café au restaurant du coin avec les amis.  Et le plus choquant de tout : plus même de visite de vos propres enfants et petits-enfants.
Et aussi, plus de visite à l’église.  Et c’est là probablement un gros sacrifice pour la plupart d’entre vous.  Il faut le dire clairement : le virus corona et l’Église nous nous battons pour la même clientèle.  Le virus veut votre mort, nous nous voulons votre bien spirituel.  En ce sens, toutes les mesures contraignantes qui sont prises (y compris celle de ne pas pouvoir venir à l’église) sont, disons-le honnêtement, contre nature.  En d’autres mots, vous avez le droit d’être fâché.  Vous avez le droit d’avoir de la peine.  Vous avez le droit de vous demander si ça en vaut vraiment la peine.  Et c’est notre devoir à nous et à vos proches de vous dire que c’est bien que ce soit ainsi car ce qui est en jeu ici c’est la vie ou la mort.  Aussi bien choisir la vie…
Ceci étant dit mon message pour vous ce matin c’est qu’on ne va sortir de ceci tout seul.  Le virus cherche notre perte.  Les mesures contraignantes nous apparaissent comme faisant partie du problème, mais ce ne sont pas les mesures contraignantes qui sont mal.  Ce qui est mal, c’est le virus.
On dit que le meilleur moyen de combattre la morsure d’un serpent c’est d’utiliser le venin du serpent comme un anticorps.  On dit aussi qu’on combat le feu par le feu comme le font les pompiers contre les feux de broussailles et les feux de forêts.  Eh bien, pour combattre le virus, il faut utiliser les armes qui sont à notre portée, aussi difficiles à accepter ces mesures puissent-elles être.
En deux mots, le dicton veut que la chaine ne soit pas plus forte que son maillon le plus faible.  Si on veut passer au travers de cette épreuve il faut être solidaires les uns avec les autres.  La complaisance, l’indifférence ou la négligence n’ont pas leur place.
J’aimerais vous dire que Francis et moi nous voulons vous assurer de notre entier support spirituel en cette période très difficile pour vous et vos proches.  Pâques, c’est la fête de la vie plus forte que la mort.  C’est la fête de la Vie qui nous unit, nous fortifie, nous stimule et nous vivifie.  En attendant que vous puissiez remettre les pieds dans votre église, Francis, moi et quelques autres personnes nous en prendrons bien soin.  Joyeuses Pâques!

jeudi 9 avril 2020

Jeudi Saint - La dernière Cène



Les repas sont très importants dans la vie.  Non seulement parce qu’on y mange de la nourriture qui soutient notre corps mais aussi parce qu’il s’agit d'une occasion où nous pouvons nous rencontrer en famille et partager d’agréables moments.  D’ailleurs, presque toutes les fêtes de famille impliquent un repas sous quelque forme que ce soit.  Manger et être heureux vont main dans la main.
Jésus a choisi l’occasion d’un repas pour partager avec ses disciples un dernier moment d’intimité avant l’heure de sa Passion.  Il leur a alors offert un long discours d’adieu.  Il s’est même permis de poser un geste d’humilité en nouant le tablier autour du coup et en se mettant à genoux au pied de ses disciples pour leur laver les pieds.  À l’époque de Jésus, ce sont les esclaves qui lavaient les pieds de leurs maitres et leurs invités.  En posant ce geste, Jésus nous fait une leçon d’humilité et de service.  Ce qu’il a fait pour ses disciples, il faut le faire les uns pour les autres.  Si nous sommes les amis de Jésus, nous devons servir les autres.
S’il y a quelque chose de positif avec le virus corona, c’est qu’on a plus le choix de rester à la maison, de cuisiner de bons petits plats et de manger ensemble.  D’habitude on n’a pas le temps à cause du travail, des amis, des devoirs et à cause de toutes sortes d’autres choses…  Depuis trois semaines, on n’a pas le choix : tant qu’à manger, aussi bien le faire ensemble!
Alors, on laisse de côté nos téléphones et on prend le temps d’être ensemble, de parler ensemble, d’avoir du plaisir ensemble, d’écouter l’autre, de se laisser écouter par l’autre; bref, d’aimer les autres et de se laisser aimer par eux.  Ça fait du bien finalement!

J’aime ça m’imaginer que c’est exactement ce que Jésus désirait faire avec ses disciples lors de la dernière Cène.  Comme c’était son dernier repas avec eux, il a voulu leur laisser tout ce qui était important pour lui.  Trois choses d’après moi : son corps et son sang d’abord,  la plus belle nourriture qui soit;  une nourriture pour le corps et une nourriture pour l’âme.  La deuxième : le commandement du service, car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », et la troisième : l’importance de passer du temps ensemble. 
D’après la tradition, la dernière Cène de Jésus était aussi la Pâque juive.  Jésus, tout Juif qu’il était, fête aussi la Pâque car il va bientôt passer de ce monde vers son Père.  Avant son départ, Jésus nous donne tout ce dont nous avons besoin pour nous y préparer ; et je me répète : il nous donne son corps et son sang, il nous donne le commandement du service, et il nous enseigne à propos de l’importance de passer du temps ensemble.
Par contre, deux des trois points sont impossibles à réaliser cette année dans nos communautés paroissiales : vous ne pouvez pas recevoir la communion et on ne peut pas être ensemble.  La seule chose qu’on peut faire c’est servir.  Alors, servez-vous!  Servez-vous les uns les autres, et servez-vous à la table familiale de Pâques, parce qu’après tout le plus grand commandement d’après Jésus c’est de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimé.  Et ça personne peut vous l’enlever.

samedi 4 avril 2020

"Mon Dieu, comment on va faire?" (Dimanche des Rameaux et de la Passion)


La sauce aigre-douce, vous aimez?  Vous savez, quand on va au restaurant pizzeria Alexandria et qu’on commande des mets chinois, on nous propose souvent une sauce qui goûte à la fois sucré et amer…  C’est une combinaison de goût qui est très populaire en cuisine et pas seulement pour les mets asiatiques.  On dit que nos papilles goûtent d’abord le sucré sur le bout de la langue et qu’ensuite on goûte les goûts plus amers à l’aide d’autres papilles.
Il me semble que la liturgie du dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur nous propose justement une liturgie qui a une saveur aigre-douce.  On a d’abord souligné l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem au début de la célébration.  C’était là la saveur plus douce du jour.  Et puis nous avons enchainé avec la lecture de la Passion dans l’évangile selon St Matthieu et là c’était le côté plus amer du jour.
C’est comme ça pour la liturgie.  Ç’a été comme ça aussi pour la vie de Jésus.  Pendant sa vie publique, Jésus a vécu des moments de grandes joies.  Des moments qui ont lui apporté beaucoup de satisfaction, sachant que ce qu’il accomplissait faisait une différence dans la vie des gens.  Mais il a aussi vécu des moments de détresse intérieure qui ont culminés au moment de sa passion.  Il lui a semblé à ce moment-là qu’il perdait son temps.  Le démon le tentait pour qu’il se décourage.
Notre vie n’est pas différente de la vie de Jésus.  Nous aussi nous avons vécu des moments de grande joie.  On a vraiment l’impression de faire une différence dans la vie de notre communauté.  On fait une différence dans nos familles.  On fait une différence au travail.  On gagne bien notre vie.  Et puis, soudainement, tout bascule.  Le virus COVID-19 apparait sur le marché et on perd notre travail, on vit dans l’isolement, on a que des contacts virtuels avec nos amis et nous vivons à l’heure de la distanciation sociale et du confinement.  C’est pas jojo par les temps qui courent. Et en plus on nous a annoncé hier qu’on pourrait avoir à subir les impacts du virus pendant 18 mois, voire même deux ans.  Mon Dieu, comment on va faire?
Si on avait dit à Jésus au moment de son baptême au Jourdain tout ce qui l’attendait, je suis à peu près certain qu’il aurait lui aussi demandé : « Mon Dieu, mais comment je vais faire? »  Jésus a été courageux jusqu’au bout.  Il a été courageux parce qu’il était rempli de l’Esprit Saint, l’Esprit du Seigneur Dieu.  Jésus nous a donné l’exemple ce matin.  Quand il a été accueilli triomphant, il nous encourageait.  Quand il a été cloué sur la croix, il nous a donné l’exemple et il nous encourage, encore une fois.

Dieu seul sait ce qui nous attend d’ici une semaine ou deux, ici chez nous dans Glengarry.  Si on connaissait le futur, on demanderait peut-être « Mon Dieu, mais comment on va faire? »  C’est inutile.  Jésus nous donne l’exemple.  Son dernier cri sur la croix sonne comme un cri de désespoir : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? »  Soyons patients.  Soyons courageux.  La suite sera plus belle.